La douleur chronique reste l’un des plus grands angles morts de la médecine moderne.
Invisible, fluctuante, épuisante, elle échappe souvent aux examens classiques, laissant les personnes concernées dans une errance médicale et psychologique profonde.
La fibromyalgie en est l’exemple le plus emblématique : un diagnostic encore mal compris, parfois minimisé, souvent psychologisé à tort, et pourtant profondément réel dans le vécu corporel.
Comprendre la douleur chronique autrement
La douleur chronique n’est pas une simple douleur qui dure.
C’est une modification du fonctionnement du système nerveux.
Contrairement à une douleur aiguë, elle n’est plus seulement liée à une lésion identifiable, mais à une hyperactivation durable des circuits de la douleur. Le cerveau et le système nerveux central deviennent hypersensibles, réactifs, saturés.
Autrement dit, le corps continue d’envoyer des signaux de danger alors même que le danger initial a disparu.
Fibromyalgie : une hypersensibilité du système nerveux
La fibromyalgie ne se résume pas à « avoir mal partout ».
Elle associe souvent :
• douleurs diffuses et migrantes,
• fatigue chronique profonde,
• troubles du sommeil,
• brouillard mental,
• hypersensibilité sensorielle,
• surcharge émotionnelle,
• dérégulation du stress.
De plus en plus d’études montrent un lien clair avec :
• une dysrégulation du système nerveux autonome,
• une hyperactivité du système de stress,
• une perception amplifiée des signaux corporels.
Ce n’est pas une faiblesse.
C’est un système nerveux en état d’alerte permanente.
Le lien entre trauma, stress chronique et douleur
Chez de nombreuses personnes atteintes de douleurs chroniques, on retrouve :
• des traumatismes anciens,
• des périodes prolongées de stress,
• une adaptation excessive à l’environnement,
• une difficulté à écouter les signaux du corps.
Le corps, lorsqu’il n’est pas entendu, crie plus fort.
La douleur devient alors un langage.
Pas un ennemi, mais un signal.
Pourquoi les approches uniquement médicales montrent leurs limites
La médecine conventionnelle reste indispensable, mais elle atteint vite ses limites lorsqu’elle cherche une cause uniquement mécanique ou chimique.
Les antalgiques, antidépresseurs ou anti-inflammatoires peuvent soulager partiellement, mais ils ne rééduquent pas le système nerveux.
Or, dans la douleur chronique, c’est précisément là que tout se joue.
Réapprendre à réguler le système nerveux
Les approches les plus prometteuses aujourd’hui ne cherchent plus seulement à faire taire la douleur, mais à ramener le système nerveux vers un état de sécurité.
Cela passe notamment par :
• la compréhension du fonctionnement neurobiologique de la douleur,
• la régulation du stress,
• le travail sur le sommeil,
• l’écoute fine du corps,
• la réduction de la surcharge émotionnelle,
• la sortie des environnements toxiques,
• la restauration d’un sentiment de contrôle intérieur.
Ce chemin n’est ni rapide ni linéaire.
Mais il est réel.
De la survie à la reconstruction
Vivre avec une douleur chronique transforme profondément la relation à soi, au corps, au temps et au monde.
Cela oblige à ralentir, à réévaluer ses priorités, à déconstruire des injonctions sociales profondément ancrées.
La guérison, quand elle est possible, ne consiste pas toujours à faire disparaître toute douleur, mais à retrouver une capacité de régulation, de stabilité et de puissance intérieure.
Un message essentiel pour les personnes concernées
La douleur chronique n’est pas imaginaire.
Elle n’est pas « dans la tête ».
Elle est dans un système nerveux épuisé.
Et un système nerveux peut se rééduquer.
Avec discernement, patience et compréhension profonde de ses mécanismes.
Parler de fibromyalgie et de douleur chronique, ce n’est pas entretenir la souffrance.
C’est lui redonner du sens, de la dignité et des clés de compréhension.
C’est aussi ouvrir une voie nouvelle, plus humaine, plus globale, plus respectueuse du corps et de l’expérience vécue.
Frédérique Shine
